Les techniques de Moxibustion

1/L’origine du terme Moxa

Le mot “moxa” vient du mot japonais « mogusa ». La langue chinoise utilise le même mot mais le prononce différemment: ài, aussi appelé àiróng. En Vietnamien, on l’appelle « ngải » ou « ngải nhung ».

2/L’utilisation de l’armoise

L’armoise commune (Artemisia vulgaris) aussi connue sous le nom d’artemisia est une plante herbacée vivace de la famille des Astéracées (Composées), commune dans les régions tempérées, parfois cultivée comme plante ornementale. Elle est une analogue de l’Absinthe (Artemisia absinthum). Le nom générique de l’armoise provient du nom de la déesse de la lune Artemis, la patronne des femmes. L’armoise a été longtemps considérée comme une plante médicinale alliée de la femme, lui procurant le bénéfice particulier de réguler son cycle menstruel et favorisant la transition vers la période de ménopause.

L’armoise avait une longue histoire de tradition et d’utilisation populaire. Les anciens tribus anglo-saxons l’appelaient « mugwort » à cause de son caractère anti-mite et anti-insecte. Ils croyaient que l’armoise parfumée est une des neuf plantes sacrées données au monde par le dieu Woden. Elle était utilisée pour ajouter l’arôme à la bière avant l’arrivée des houblons (Humulus lupulus).

Les Romains plantaient l’armoise le long des routes pour que les passants puissent les placer dans leurs souliers afin de soulager les douleurs aux pieds. On racontait que Saint Jean Baptiste portait en son cou un collier d’armoise quand il se rendait dans le désert sauvage. Elle était réputée pour sa capacité magique d’induire des rêves prophétiques et vivides quand on la plaçait près du lit ou en dessous de l’oreiller. Dans la cérémonie païenne, on portait un collier ou une ceinture d’armoise et on dansait autour du feu durant les fêtes du soltice d’été. La plante serait jetée dans le feu pour assurer la protection durant toute l’année.

Actuellement, l’armoise est une plante que l’on trouve facilement en France tout autant qu’en Asie. Elle couvre souvent les talus et les champs en jachère. Elle se récolte de préférence le 21 juin. Elle porte également le nom d' »Herbe de St Jean » (St John’s Herb) qui correspond à cette date. Une fois récoltée, on la fait sécher pendant 5 ans. Ensuite on la broie pour en faire de l’étoupe.

3/ L’usage actuel du moxa

En Europe, l’usage de l’armoise sombrait un tout petit peu dans l’oubli. Maintenant elle revient en force avec son utilisation pour la moxibustion. Par voie orale, les feuilles et les branches d’armoise agissent comme un digestif tonique amer, stimulant utérin, nervin, régulateur menstruel et anti rhumatique. L’huile extrait de l’armoise contient du thujone, linalool, borneol, pinène et autres constituants. La plante contient aussi de l’hydroxycoumarine, des flavonoïdes lipophiliques, de la vulgarine et du triterpène.

Les deux mots « cheng cu » ou « zhenjiu » (??) en Chinois et «châm cứu» en Vietnamien respectivement veulent dire «acupuncture et moxibustion». Ils vont toujours de pair. La médecine d’aujourd’hui privilégie l’acupuncture qui semble être en vogue. On oublie l’aspect tout aussi essentiel de la moxibustion. La cause de cette négligence est vraisemblablement due à l’odeur qui se dégage lors de la combustion du moxa et surtout au temps que le praticien doit passer avec son patient (une question de rentabilité ?). Une séance de moxibustion peut facilement atteindre jusqu’à deux heures.

L’armoise agit comme un agent emménagogue qui accélère la circulation sanguine dans la région pelvienne et l’utérus et stimule la menstruation. C’est un remède efficace contre la menstruation douloureuse et irrégulière. Une compresse de cette herbe a été utilisée pour favoriser le travail utérin et aider à l’expulsion du placenta. Une légère infusion d’armoise est utilisée comme un stimulant digestif. Elle aide aussi dans les cas de légère dépression ou tension nerveuse. L’armoise peut stimuler l’appétit. Une infusion d’armoise a des propriétés sédatives qui calment l’agitation et l’anxiété. Son action antispasmodique peut soulager les vomissements et a été servie pour le traitement de l’épilepsie. L’armoise ajoutée dans le bain chaud est un traitement aromatique et apaisant pour soulager les douleurs musculaires et les articulations.

En essai clinique, les feuilles d’armoise fraichement écrasées et appliquées sur la peau se révèlent efficaces dans l’éradication des verrues. En le buvant comme infusion, l’armoise aide le système digestif à éliminer les oxyures. L’armoise séchée agit aussi comme un amadou naturel, utile dans la conservation du feu consumant. L’herbe séchée a été utilisée comme un remplaçant du tabac sans nicotine. Certains américains aborigènes utilisaient une sorte d’armoise (Artemisia douglasiana), répandue dans le Sud Ouest des Etats Unis d’Amérique, pour se prémunir contre l’irritation du « poison oak »(Rhus quercifolia et Rhus diversiloba) ou « herbe à puce ». On frotte la feuille fraîche d’armoise sur la région exposée de la peau avant d’entrer dans l’habitat du « poison oak ». Les deux plantes poussent souvent côte à côte.

Pour l’utiliser dans la moxibustion, l’armoise est soigneusement récoltée, séchée et vieillie, enroulée en forme de cigare. Ce moxa est brûlé tout près de la peau pour réchauffer les points spécifiques. Il a été utilisé pour soulager les douleurs rhumatismales aggravées par le froid et l’humidité. Au Japon, certains praticiens utilisent le moxa comme l’unique traitement. Une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association fait état de l’utilisation couronnée de succès de la moxibustion dans le renversement de la position du fœtus en accouchement en présentation de siège. L’étude découvre que 75% des 130 fœtus a changé leur position après un traitement de moxibustion sur la mère. Il s’agit de la stimulation du point d’acupuncture connu sous le nom de BL67, localisé près de l’ongle du cinquième orteil, favorisant le flux de la circulation sanguine et de l’énergie qui augmente les mouvements du fœtus.

4/ Principe thérapeutique de la moxibustion

Le principe thérapeutique des moxas est l’utilisation de la chaleur comme moyen d’action sur les méridiens. Ce qui est surprenant c’est la similitude entre l’Asie et l’occident. En effet, les chinois utilise l’action chauffante de type « Feu » dans les 5 éléments et en occident on l’appelle l’herbe de St Jean date de l’année ou le soleil est à son maximum, donc la période de maximum d’énergie feu. L’avantage de cette technique est que l’on peut l’utiliser pour soigner les affections courantes (constipation, migraine, impuissance, frigidité…) sans avoir recours aux aiguilles.

D’après Lorraine Wilcox, dans son livre « Moxibustion: The Power of Mugwort Fire », la moxibustion est principalement utilisée dans le but de:

• Prévenir la maladie ou arrêter la progression de la maladie ,

• Nourrir la vitalité du corps (allant au-delà d’une simple prévention) et le maintenir en bonne santé,

• Renforcer tous les aspects du corps (inclus le yin) en favorisant la circulation du qi sanguin,

• Expulser le mal (inclus la chaleur),

• Drainer ce qui est en surplus,

• Redresser ce qui est en déficit, et

• Faire circuler là où il y a stagnation, immobilisme, ou dépression (même la chaleur en dépression)

5/ Différentes techniques de moxibustion

La moxibustion se pratique à travers trois techniques: la technique des cônes de moxa, la technique des batonnets de moxa et la technique du moxa sur aiguille. Les cônes de moxa sont de petits cônes d’armoise que l’on pose sur différents points du méridien du corps. Une fois mis en place on les enflamme et ils se consumment lentement. Lorsque le patient ressent la brûlure, on les retire aussitôt.

A/Technique des cônes de moxa

1° Moxa directe

On prépare plusieurs cônes d’armoise de 1 cm de haut et 0.8 cm de base Il existe deux types de moxa directe:
– moxa sans cicatrice – moxa avec cicatrice
– moxa sans cicatrice: placer un cône d’armoise sur un point choisi et l’allumer jusqu’à ce que le patient ressente un peu de douleur il faut l’enlever. Enlever ce cône et le remplacer par un autre. 3 à 7 cônes suffisent pour chaque point . Il faut renouveler les cônes jusqu’à ce que la peau devienne érythémateuse mais sans la brûler.
Cette méthode est utilisée pour traiter l’ asthme, la diarrhée chronique et l’ indigestion .
– moxa avec cicatrice: placer un cône sur un point choisi, l’allumer et le laisser brûler complètement ; changer un autre et encore un autre jusqu’à la formation d’une phlyctène ; il faut masser autour de la phlyctène pour soulager la douleur. Quelques jours après , le point brûlé devient suppurant et laisse une cicatrice à la guérison.
Ce traitement est indiqué pour l’asthme chronique, la tuberculose pulmonaire, adénite tuberculeuse.

2°Moxa indirecte

Avec la méthode indirecte un support est placé entre le moxa brûlant et la peau. Celle-ci est moins douloureuse et réduit les risques d’infection. C’est la méthode préférée des praticiens modernes. Les supports utilisés communément sont une tranche de gingembre ou d’ail, du sel, de l’aconit, du poivre et de la boue.

a: moxa au gingembre:

Placer sur la peau une tranche de gingembre de 0.5 cm d’épaisseur après l’avoir percé par de multiples trous en son centre et poser de l’armoise dessus puis l’allumer. Quand le cône d’armoise se consume, il faut en mettre un autre jusqu’à ce que la peau devienne humide et érythémateuse. 2 à 5 cônes par séance suffisent
Indications: – pour le vide de la rate estomac (diarrhée vomissement type froid) – syndrome BI (arthralgies type froid et même grand froid). – vide du yang.

b: moxa à l’ail:

A la place du gingembre on prépare une tranche d’ail et on pratique le moxa indirect comme précédemment.
Indications: – tuberculose pulmonaire – adénite tuberculeuse – abcès froid au début.

c: moxa au sel:

Remplir l’ombilic avec du sel fin de table ; on place une tranche de gingembre sur le sel puis par dessus un cône d’armoise qu’on allume. Ce procédé a pour fonction de sauver le yang d’ou l’indication en cas d’urgences: – collapsus (apoplexie de vide) – diarrhée prolongée – algies abdominales.

B/ Technique du bâtonnet de moxa

La technique du bâtonnet était développée sous la dynastie des Ming (1368 – 1644). Elle demande moins de temps et l’on peut contrôler facilement la moxibustion. La laine de moxa est enroulée fermement dans du papier prenant la forme du cigare. Parfois la poudre des autres herbes sont ajoutées. La recette communément utilisée est 25 grammes de laine de moxa et respectivement 6 grammes de cannelle, de clous de girofle, poivre du Sichuan (Zanthoxylum piperitum), realgur, saussurea (Mu Xiang), angelica (Du Hua), asarum (Xi Xin), angelica ( Bai Zhi), atractylodes (Cang Zhu), myrrhe & encens.
On allume des bâtonnets d’armoise comme un cigare. Une fois incandescents, on les approche (sans toucher la peau) des points d’acupuncture et lorsque le patient ressent une douleur trop forte, on s’éloigne; puis on recommence.

1° moxa doux: Allumer le bout du bâtonnet et le maintenir à 3 cm loin du point choisi jusqu’à ce que la peau devienne érythémateuse. La distance varie selon la tolérance du patient et le degré de stimulation exigée. Normalement le bâtonnet reste brûlé jusqu’à 15 minutes ou jusqu’à ce que la peau devienne rouge. Cette méthode est utilisée pour la douleur provoquée par l’obstruction (douleur du type arthritique). On peut aussi effectuer des mouvements circulaires avec le bâtonnet.

2° moxa de becquetage: Le mouvement ressemble au becquetage de l’oiseau. Le bâtonnet n’est pas à une distance fixe, mais approché par intermittence du point choisi jusqu’à ce que la peau devienne érythémateuse. Indication des 2 méthodes doux et becquetage • arthralgies • algies abdominales • diarrhée. Ces deux méthodes sont fréquemment utilisées en clinique.

C/Moxa sur Aiguille

1° Méthode: on introduit l’aiguille dans la peau au niveau du point choisi ; on manipule jusqu’à l’arrivée de QI et fixer un petit morceau d’armoise sur le manchon de l’aiguille et on allume l’armoise sur le bout en haut . La chaleur arrive le long de l’aiguille et en profondeur (acupuncture + moxibustion)

2° Cette méthode a pour fonction de:

• réchauffer le méridien

• et de promouvoir la circulation du QI et du sang.

Elle est indiquée pour:

• les arthralgies syndrome BI dû au froid humidité.

• algies abdominales . • paralysie faciale ou hémiplégie.

Précautions

La moxibustion est contre-indiquée pour les états fébriles (quand la fièvre est présente), parce que ce serait inconscient d’ajouter de la chaleur à un corps déjà surchauffé, ou sur le dos au niveau du bas ventre chez les femmes enceintes parce que la chaleur pourrait blesser le fœtus.

1° Choisir la position confortable du patient. Elle permet d’éviter la brûlure du patient lors de la séance de traitement: si l’on bouge le cône tombe et peut brûler le patient.

2° Formation de phlyctène. Elle peut se former par chauffage défectueux après la moxibustion indirecte, ce qui est tout à fait normal.

3° Eviter la moxibustion près des organes comme les yeux, la bouche ou les membranes muqueuses, nez ou anus.

4° La moxibustion directe doit être évitée sur le visage, les seins, où se situent de grands vaisseaux sanguins ou sur les points de flexion majeurs comme les coudes et les genoux.

Nguyễn Gia Thưởng

Bibliographie:

– Acupuncture and Moxibustion – Practical traditional chinese medecine & pharmacology, by Geng Junying and Su Zhihong, New World Press, Beijing

– Moxibustion: the power of mugwort fire, Lorraine Wilcox L.Ac., Blue Poppy Press, May 2008

– The moon over Matsushima – Insights into moxa and mugwort, Merlin Young, Godiva Books, 2012

– Moxa in Motion – With the Ontake method: Rhythmic Moxibustion Methods from Japan for Mind-Body Healing, Oran Kivity, Sayoshi Books

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